Exemple d’une situation que j’ai eu à gérer dans mon parcours professionnel, avec une personne atteinte du syndrome de Diogène.

J’ai rencontré André il y a qques années en arrière… Du fait d’une scoliose très prononcée, la partie haute de son corps était pliée, si bien qu’il regardait sans cesse le sol et devait tourner sa tête sur le côté pour voir les personnes qui se tenaient à côté de lui. Il portait des vêtements en mauvais état (troués) et manquait d’hygiène corporelle.

Quand je l’ai rencontré, il n’était pas possible de rentrer facilement chez lui tellement l’appartement était envahi d’immondices. Il fallait pousser très fort la porte d’entrée pour faire reculer le tas de déchets qui s’accumulaient derrière la porte pour réussir à pénétrer dans son lieu de vie d’où émanait une odeur pestilentielle.

Pour entrer en contact avec une personne souffrant de ce syndrome, il est important de l’approcher avec douceur, respect et surtout, sans jugement.
Respecter la personne malgré les odeurs nauséabondes fortes, malgré son apparence qui renvoie à une certaine misère humaine, malgré son langage parfois différent du sien et malgré son comportement qui peut être déviant…
J’ai l’avantage de savoir couper mon odorat; çà aide !  Je me concentre davantage sur les autres sens, notamment la vue et l’ouïe.

Avec André, c’est par les yeux que nous sommes entrés en contact et que nous avons gardé contact ensemble, surtout dans les moments où c’était difficile pour lui de prononcer des mots pour exprimer ce qu’il ressentait, ce qu’il pensait de la situation, protégé de son univers intérieur autour duquel il avait construit des remparts avec tous les déchets et encombrants qu’il avait accumulé chez lui.

Il dormait sur un matelas ancien à ressort, dégradé et souillé, affichant les contours de son corps tellement il était encrassé.
J’ai accompagné André, à un rythme qui lui convenait, pendant plusieurs mois. J’ai coordonné les différentes actions avec d’autres compétences (service d’hygiène, travailleur social, personnel du soin et notamment de la santé mentale et du service à la personne pour entretien du logement et portage de repas à domicile), pour progressivement replacer cette personne dans un lieu de vie digne, propre et confortable.
La relation de confiance que nous avions instaurée entre nous nous a permis de faire un beau parcours ensemble.

Quand le logement d’André a été nettoyé, il a fallu qu’il réinvestisse peu à peu les lieux avec un nouveau décor, sans plus de collection d’immondices dans les différentes pièces. Son lit a été changé via une association qui fournit du mobilier au public en difficulté.
Pendant le nettoyage, André a pu s’exprimer à propos de ce qu’il souhaitait conserver des différents objets qu’il avait collecté de l’extérieur. Ainsi, il a pu garder des repères…

Via l’intervention du travailleur social, un service à domicile a été mis en place pour l’entretien du logement et le portage de repas à domicile. Cela a aussi permis de rester vigilant à propos du comportement d’André dans les lieux loués.

Quelques années plus tard, André est décédé… Grâce à son adhésion au travail entrepris ensemble pour rétablir sa situation et notamment, remettre en état son logement, il a réussi à passer les dernières années de sa vie dans un logement digne et confortable. Et surtout, il n’a plus été tout à fait seul…

Ce fût pour moi une belle rencontre, une belle expérience et, un bel apprentissage. J’aime rendre hommage à des personnes qui ont croisé ma route, personnelle et professionnelle et, qui m’ont aidée à sentir intensément la part d’humanité qui se trouve en moi et qui grandit au fil du temps.

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